Guitari Baro, deux guitares et un balafon pour un trio guinéo-malien inédit

Guitari Baro, deux guitares et un balafon pour un trio guinéo-malien inédit

 

Avec son répertoire acoustique et intégralement instrumental, le trio Guitari Baro dessine sur son premier album des paysages sonores qui n’existaient pas sous ce jour dans la musique mandingue pourtant largement explorée. La raison ?

Une association d’instruments différente, aux mains de musiciens maliens et guinéens inventifs.

Il suffit parfois de déplacer un élément pour que l’ensemble du décor dans lequel il prenait place soit complètement bouleversé, au point de faire apparaître ou ressentir quelque chose de nouveau. Rien de spectaculaire, a priori, dans la formule expérimentée par Guitari Baro mais in fine ce que proposent les trois protagonistes change les repères, modifie la perspective. Avec deux guitares et un balafon.

L’idée initiale était de « mettre en lumière les instrumentistes africains », explique le Sénégalais Dudu Sarr, coproducteur de l’album et patron du salon Dakar Music Expo. À l’origine, il y a ses souvenirs d’enfance de Thiès, à l’est de Dakar. « Mon voisin avait un tourne-disque. C’était peut-être le seul de ma ville natale à l’époque, dans les années 60. Tous les dimanches, il sortait ses vinyles d’artistes maliens et guinéens. Mon amour pour ces musiques est parti de là », assure-t-il.

Tout s’accélère lorsqu’il fait part à Lucy Duran de son « rêve » de réunir des guitaristes du Mali et de Guinée. La Britannique aux multiples casquettes (ethnomusicologue, productrice, journaliste…), à la fois experte et militante des musiques d’Afrique de l’Ouest, adhère au projet et lui apprend que, derrière la guitare, il faut en réalité voir le balafon comme influence première chez ces musiciens. Il devenait donc évident de convier le xylophone traditionnel emblématique de la culture mandingue aux instruments à cordes.

Page blanche

Tous deux tombent aussitôt d’accord sur un nom : Lassana Diabaté. Du Symmetric Orchestra de Toumani Diabaté aux albums de Bassékou Kouyaté en passant par Trio Da Kali, le quinquagénaire guinéen qui vit au Mali possède une solide expérience. Il suggère deux guitaristes : le Malien Gaoussou Kouyaté, avec lequel il a travaillé sur l’ultime projet de Kassé Mady Diabaté achevé par sa fille Hawa, et “Petit” Kerfala Diabaté, à ses yeux « l’un des trois meilleurs de Guinée », souvent vu aux côtés du chanteur Sékouba Bambino.

L’équipe se retrouve au complet en novembre dernier à Dakar. Ses membres partent d’une page blanche, mais savent tout de même quelle direction prendre. « On a passé deux jours à discuter des orientations, des inspirations : les classiques des répertoires maliens et guinéens, les liens entre le Mali et Cuba, la rumba congolaise... Et c’était parti ! Ils ont joué dans mon jardin, sous la houlette de Lucy Duran », raconte Dudu Sarr.

« J’étais confiant. Je connaissais les capacités des deux autres musiciens et je m’attendais à quelque chose de grand », confie Lassana Diabaté, qui souligne la « ressemblance artistique incroyable » de ses deux partenaires : avec Djelymady Tounkaka du Rail Band pour l’un et avec Sékou « Diamond Fingers » Diabaté du Bembeya Jazz pour l’autre – deux personnages qui ont selon lui « dominé la musique mandingue » durant plusieurs décennies.

Accents jazz et balafon en arbitre

Dans cette configuration inédite à deux guitares et un balafon, de nouveaux arrangements voient le jour, avec la volonté de ne pas « charger » l’ensemble. Avec son instrument, dont le rôle habituel se trouve nécessairement impacté, Lassana Diabaté se place « au milieu » et reconnait qu’il « arbitre » les débats. « On essaie de ne pas se croiser sur le même chemin », métaphorise-t-il.

Enregistré dans un studio renommé de la capitale dakaroise à l’issue de cette rencontre productive entre les trois musiciens, pour ne rien perdre de cet équilibre auquel ils étaient parvenus, Guitari Baro relève aussi un autre défi : celui des albums instrumentaux, quasi inexistants dans la musique africaine, note Dudu Sarr. Si les korafolas Toumani Diabaté et Ballaké Sissoko en ont signé quelques-uns, ensemble et séparément, les exemples à la guitare sont encore plus rares (Djely Blues de Djelymady Tounkara ou River Strings de Djessou Mory Kanté).

« On voulait des clins d’œil au jazz », complète Dudu Sarr, qui observe que « le jazz africain est sous-représenté sur la scène jazz internationale » et voit là une possibilité de faire briller les talents du continent sur un circuit différent de celui des musiques du monde. Devant un parterre de professionnels dans le cadre de Dakar Music Expo en février 2025, la toute première prestation de Guitari Baro a confirmé le potentiel de ce trio novateur.

Guitari Baro (Chrysalis Records) 2025    Par RFI

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