Thierno H. BAH

Fête de l’indépendance oblige, la honte nationale que la Confédération Africaine de Football (CAF) a infligée à la Guinée est déjà jeté aux calendes grecques par la grande majorité des guinéens. Pourtant, les nouvelles autorités s’étaient réveillées comme par magie pour donner un coup d’accélérateur aux travaux de construction des différentes infrastructures nécessaires à l’organisation d’un tel évènement. Leur volonté n’était plus à démontrer mais la réalité les a rattrapés. Mais alors pour quelles raisons le pays de Titi CAMARA s’est vu retiré l’organisation de cet évènement continental ? L’une des explications est purement de la géopolitique propre au football et l’autre reste le manque de volonté politique des autorités guinéennes d’avant putsch.

LES RAISONS GÉOPOLITIQUES D’UN DÉSASTRE

Genèse

En 2014, la CAF, sous l’égide de M. Issa HAYATOU a lancé des appels d’offres pour l’organisation des Coupes d’Afrique des Nations de 2019 et de 2021 (CAN qui, au passage étaient de 16 équipes) et le Cameroun et la Cote d’Ivoire ont remportés ces deux appels d’offres. A la même séance et alors qu’il n’y avait pas du tout d’appel d’offres, la Guinée s’est vue attribuée l’organisation de la CAN 2023 alors qu’elle n’avait pas postulée pour cette date. On note que cette attribution est déjà vicieuse dans sa procédure mais cela s’explique tout d’abord par la proximité du vice-président de la Fédération Guinéenne de football d’alors, en l’occurrence Amadou DIABY avec Issa HAYATOU, ensuite par le poids et l’influence qu’avait pris le président de la FEGUIFOOT de l’époque Antonio SOUARE au sein de la CAF (il était membre du comité exécutif) et de ses accointances avec les présidents de diverses Fédérations membres et enfin pour consolider l’influence francophone de la Confédération qui était gérée d’une main de fer par M. HAYATOU.

Gianni INFANTINO, président de la FIFA usa de tout son poids en 2017 pour que AHMAD AHMAD soit élu à la tête de la CAF en lieu et place de HAYATOU. Ce qui va réorienter la boussole du foot africain vers le Conseil des Associations de Football en Afrique Australe (Council of Southern Africa Football Associations en VO) (COSAFA) majoritairement anglophone, même si AHMAD est francophone.  

Ainsi, devant les difficultés rencontrées par le Cameroun pour organiser la CAN de 2019 (crise anglophone, corruption endémique, détournements de fonds…), l’Égypte prendra le relais au pied levé, ce qui va produire un glissement du calendrier qui va aboutir à ce que le Cameroun organise celle de 2021, la Cote d’Ivoire celle de 2023 (mais renvoyée en 2024 par la CAF pour des raisons météorologiques) et donc par ricochet, la Guinée celle de 2025.

Depuis l’élection de M. AHMAD à la tête de la CAF, des pays membres de la COSAFA ont commencés à mettre la pression à la confédération pour retirer l’organisation de la CAN 2025 à la Guinée et de l’attribuer à un des leurs, arguant notamment le fait que l’attribution à la Guinée est biaisée. Sauf que, AHMAD étant empêtré dans divers scandales liés à sa gouvernance de l’institution, avait d’autres préoccupations que de gérer les chichis de ces pays.

L’arrivée de M. Patrice MOTSEPE à la tête de la CAN en mars 2021 combinée avec le coup d’Etat militaire du 5 septembre 2021 contre le pouvoir de M. Alpha CONDE marquèrent le début des cauchemars des guinéens. Il faut rappeler que ces institutions sportives (FIFA, CAF…) n’aiment pas trop les régimes politiques mouvants. Elles aiment plutôt des régimes (stables) comme ceux du Rwanda ou les royaumes.  

Pour mettre un petit coup de pression à la Guinée, les dirigeants de la FIFA et de la CAF ont été reçus à Conakry en 2019 par le Président CONDE et depuis, il y a eu d’autres visites des officiels de la CAF pour s’enquérir de la situation. La dernière visite de la délégation de la CAF en aout dernier a été fatale pour le pays. Les officiels se sont rendu compte que les travaux n’ont presque pas commencés et que la Guinée est un Sahara infrastructurel. Leur rapport transmis à M. MOTSEPE, ce dernier n’avait pas d’autres choix que de dessaisir la Guinée de l’organisation de de la CAN 2025. Devant l’insistance du colonel DOUMBOUYA à organiser mordicus la compétition en 2025, M. MOTSEPE a proposé d’autres alternatives (pour surement diminuer les effets de la honte) comme l’organisation du CHAN ou alors une CAN des cadets.

LE MANQUE DE VOLONTÉ POLITIQUE

« Si se taire vaut mieux de parler, alors il faudra mieux se taire » disait Albert CAMUS. Il est loisible de constater que si l’octroi de l’organisation de la CAN 2025 est à mettre au crédit du régime de M. CONDE, sa perte aussi est de son ressort. Son gouvernement ne faisait que parler mais n’agissait pas. De promesses en promesses, il a oublié de se mettre au travail.

Pour tenter de démontrer cette affirmation, il est opportun de souligner au prime abord que les autorités n’ont pas érigé cette CAN en priorité nationale. Les différents ministres des sports qui se sont succédé à la tête du département se sont bornés à faire des discours et à affirmer que la Guinée sera prête le jour J. Devant les pressions de la CAF, le président CONDE a mis en place un comité d’organisation de la CAN en 2019. Des mois plus tard, la composition des membres a été revue de fond en comble sans pour autant passer aux choses sérieuses. Et ce, malgré les carences infrastructurels (sportives notamment) du pays.

Des luttes pour occuper des postes dans ce COCAN ont pris le dessus sur les vrais enjeux de sa mise en place.

La question du 3eme mandat de M. CONDE focalisa l’attention de son gouvernement et de l’opinion publique au détriment de l’organisation de la CAN et des autres préoccupations des populations. Ce qui a abouti au coup d’Etat du 05 septembre 2021.

Les nouvelles autorités issues du putsch, aux prises avec la communauté internationale ont quand même mesuré l’urgence de la situation et ont essayé de mettre toutes les chances de leur côté afin que la CAN puisse avoir lieu en Guinée en 2025. Sauf que, là aussi, on a été plus dans les discours que dans le concret (Cf les promesses sans équivoques de M. BEA DIALLO ministres des sports du CNRD).

Les appels d’offres pour la construction des différents stades ont été fait tardivement, les aéroports des villes de l’intérieur du pays ne sont plus fonctionnels, il n’existe pas d’hôtels 4 ou 5 étoiles dans ces villes ciblées pour abriter des matchs… Partant de ces constats, on se rend compte que mettre tout cet arsenal en place en moins de 3 ans relève quasiment de l’impossible  et ce, malgré l’insistance du colonel et de son gouvernement, qui comptait sur cette CAN pour justifier les 36 mois de durée de la transition proposés mais aussi pour mettre à son crédit un tel évènement jamais organisé dans le pays. Hélas c’est raté, la CAF et M. MOTSEPE en on décidés autrement, au grand désarroi des fans de foot guinéens et autres nationalistes qui comptaient replacer le pays sur la carte du monde.

 

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