20 ans après la sortie de leur unique album intitulé « Gandal », le mythique membre du groupe de rap pur underground « Gandal Foly », pionnier du mouvement Hip Hop guinéen, Ksan-K, vivant en Europe présentement, à trouver un temps d’accorder une interview à notre rédaction, Gnakrylive. Dans cet entretien il nous en dit un peu plus sur ses projets, le groupe Gandal et sa vision sur l’évolution de l’héritage laissé au rap.

 

 

Gnakrylive : Etant un précurseur du rap guinéen, depuis 1999 (je crois), tu as parcouru beaucoup de chemin ; quand tu jettes un regard en arrière, qu’est-ce que tu te dis ?

 

Ksan-K : « Bonjour frère, tout d'abord merci pour l'intérêt que tu nous porte car depuis pratiquement plus de 20 ans vous êtes l’un des premiers sites à nous accorder une interview. »

 

« En ce qui concerne mon regard sur la scène Hip-Hop d'avant et celle d’aujourd’hui je crois que nous devons faire très attention et éviter de comparer deux générations différentes à tous les niveaux. Dans les années 90 jusqu’en 98 nous avions très peu de moyens pour faire la musique comme nous le voulions. » 

 

« Pour enregistrer un son à l'époque, il fallait soit avoir une bonne connexion à la RTG ou aller chez Feu Bangoura pour poser les voix. Il y avait pas de beats makers et même s'il y en avait on manquait de tune pour les rémunérés, cela nous poussait parfois à requeté nos parents ou à se rapprocher de nos grands qui avaient les moyens. Nous utilisons tous les beats faces B. »

 

« Nous avions d’énormes difficultés de trouver des musiciens capable de créer des sonorités Hip-Hop et faire faire une bonne Prod. Il y avait toujours ce côté un petit peu folklorique et mélancolique pas très Hip Hop, et même si cela nous dérangeait nous étions parfois obligés de faire avec. Mon kiff était de sonner comme les sons que j'entendais dans les clips venant des States ou à peu près comme les tubes qui tournaient dans les clubs à l'époque. » 

 

« L'autre difficulté que nous avions aussi est qu’on ne pouvait pas vivre de notre art, on ne touchait pas de cachet, hormis les frais de déplacement. Quelqu’un pouvait te déplacer pour un show après le concert te dire YO mec tu sais quoi le show a foiré, j'ai eu tel ou tel problème donc pas de sous à sortir, ça nous frustrait un moment mais après on s'en battait les couilles et la vie reprenait son court normal. On le faisait juste par amour par passion et une simple reconnaissance des potes du quartier, nous suffisait et nous poussait à faire mieux et encore mieux. » 

 

« Je ne sais pas pour les autres, mais chez moi la maille comptais peu et je ne donnais pas assez de considération à ce côté business de la chose. Même si je ne perdais pas de vue qu’un jour le rap nous ouvriraient des portes malgré quelques discriminations qu’on subissait parfois. Tu voyais presque tous les mecs de l'époque gratté c'est est à dire faire des kilomètres à pied pour aller soit à la répétition ou chez un groupe qui a déjà une certaine renommée pour apprendre de son expérience. Cette volonté de réussir dans le rap était visible chez tous les groupes, et cette farouche volonté avait permis à l'époque, d'avoir une base solide en matière de ‘peura’ en Guinée. »

 

« À côté du nombre phénoménal de groupes qui existait la qualité du Rap guinéen était apprécié en dehors de nos frontières. Au regard de tout cela je dirai que notre génération a fait ce qu’elle pouvait faire avec les moyens qu’elle avait, maintenant notre regard est tourné vers ceux qui ont repris le flambeau et nous leur souhaitons tout le bonheur du monde, tout en espérant qui préserveront cet acquis et au mieux même le dépasseront, maintenant qu’il est possible de trouver à chaque bout du quartier un home studio ou une structure leur permettant de se développer et faire un bon passionnant vers l'avenir. »

 

Gnakrylive : Quels sont tes projets actuels ? Un album ?

 

Ksan-K : « Pour ce qui est de la sortie d’un éventuel album franchement je ne suis pas dans l'esprit d'une telle démarche en tous cas pas personnellement. Pour l'instant la scène ne m'intéresse pas aussi que ça, un projet solo aussi non plus. Ceci dit j'écris et enregistre toujours juste pour mon plaisir et par passion, mais aussi par amour perso que j'ai pour la musique et le rap en particulier. Mais tout peut changer si le groupe Gandal manifestait le désire de faire un projet sérieux, dans ce cas je foncerai les yeux bandés. Mais les trucs du genre m'as-tu vu ne m'intéresse plus. »

 

« D'ici là je continu à m'entraîner comme un footballeur de haut niveau, ou un informaticien qui sait qu’un relâchement de six mois peut lui être fatale, à l'époque où tout va si vite. En plus il faut bien garder la forme et entretenir son talent. Maintenant que je maîtrise un peu la technologie qui y a derrière la musique, je me suis doté d'un home studio qui m'a rendu complètement indépendant car je fais tous mes enregistrements seul. Plus besoin d'aller poiroter chez qui que ce soit pour juste poser une voix. Quand j'ai une inspiration, peu importe le temps il me suffit juste de démarrer le pc ensuite mon Daw et de me placer face au micro et voilà... »

 

 

Gnakrylive : On t’a connu dans un style purement rap underground, aujourd’hui, dans tes vidéos on retrouve toujours ce même style pourquoi, alors que le rap a évolué vers la tendance Trap ?

 

Ksan-K : « Oui, effectivement, je suis toujours accroché à mon ancien style pour la simple raison que c'est dans ce genre de flow que je me sens le plus libre textuellement. Pour moi, le rap doit être énergique et percutant. Avec ce genre de style, je peux dire beaucoup de choses en très peu de temps et surtout m'exprimer avec force et conviction. Quand un flow est vénère, posé et se glisse gentiment de façon harmonieuse sur un béat comme un train sur des rails ça me parle. Je maintiens ce style aussi parce qu'avec  lui, je peux jouer avec les mots en ayant le contrôle de l'émotion que je souhaite partager avec les autres. » 

 

« Sur le plan de la diversité avec ce genre de flow si tu es en face de 100 rappeurs, je peux te garantir que tu auras à faire a 100 flows et styles différents ce qui n'est malheureusement pas le cas pour la trap, même si je dois avouer que les mecs qui font de la trap, lyriquement on a beaucoup plus de liberté, ils ont de l'espace entre les phrases, leurs phrases sont courtes ils peuvent se permettre plein de truc et se répéter même s'il le faut sans gêne. L’écriture du rap à l'ancienne me convient, parce que les beats trap ne m'inspirent pas tellement sur le plan de l'écriture. En général, quand j’entends un beat trap ça me donne plus l'envie de faire la fête que de développer des sujets plus importants. »

 

« Et puis en tant que MC quand les mecs du quartier commencent à te dire ton beat est bon je crois qu’il faut commencer à se faire des soucis. Avant quand un rappeur se mettait en action rien qu'avec sa verve et ses rimes il te faisait bouger le cerveau et le corps en même temps et dans le milieu Hip Hop dès qu’on évoque son nom les mecs disent « il est trop bon il a le flow », parce que l'accent était mis sur le contenu et la façon de le transmettre, l'emballage comptais peu. Aujourd'hui, c'est le son qui fait kiffer, avec un 808 kick, des petits roulements, des doubles croches une grosse sub bass, un peu d'auto tune et du gros son électronique. Faut juste faire un bon mélange dosé de tout ça et le tour est joué pour produire le tube qui va faire danser toute la planète pendant 3 mois... »

 

« Pour répondre concrètement à ta question, je ne pense pas que le rap ait évolué vers la trap je pense plutôt que la trap est venue se rajouter à la culture Hip Hop tout comme le break, les graffitis, le tag, le Rn’b et tous les autres. Le rap est toujours resté le même malgré les difficultés que nous avons aujourd'hui à trouver des Beats-makers ou Dj's comme Dj premier ou des MC comme nas, DMX, Biggi, Mosdef, Pac ou des groupes comme Das Efx, Onyx, Mobb Deep et tout le reste. »

 

« Je ne suis pas non plus entrain de dire que la trap c'est de la merde, loin de là, je reconnais qu’il y a des jeunes talentueux dans cette musique et que c'est un phénomène mondial j'en écoute parfois, on ne peut rester insensible à ce genre de sonorités même quand on n’est resté bloqué dans le passé, c'est entraînant mais le Rap tel que je l'ai connu et pratiqué me parlent beaucoup plus que ce que j'entends aujourd'hui. C'est pour cette raison dans les petits extraits dévoilés uniquement sur Facebook, je pratique toujours la même technique. Après les gens peuvent aimer ou pas, mais la musique je ne la fait plus pour les gens, je le fais pour moi-même. Voilà en gros pourquoi j'ai une préférence pour le Boom Bap et les Beats a 90 bpm par rapport au 70 bpm de la Trap. Je n’ai tout simplement pas envie de sonner comme tout le monde. »

 

Gnakrylive : Que deviens le groupe Gandal Foly ? « Biz Dondon et Dieng » Peux-tu nous dire un mot sur leurs carrières respectives ?

 

Ksan-K : « En ce qui concerne mes deux frères à savoir Biz Dondon et DIENG, les gars se portent bien, on ne se parle pas régulièrement, mais on garde toujours nos liens et chacun sait où trouver l'autre en cas de nécessité. Ils ont tous la même passion pour la musique et travaillent chacun de leurs côtés, Dondon possède la même timbre vocale et sa voix est incroyablement défonçant. »

 

« Quand à Dieng il est toujours lyriquement percutant avec toute cette énergie qu’on lui reconnaît. Ils sont tous pères de famille et responsables ce qui parfois rend les choses difficiles sur le plan musical surtout quand on n’habite pas tous dans la même ville, et dans le même pays. Ajouter à cela le travail pour faire vivre la famille et accorder du temps aux enfants et à leur éducation, j'avoue que je comprends très bien qu’on peine à se réunir. On verra avec le temps en tout cas j'espère les retrouver bientôt. »

 

 

Gnakrylive : De cette carrière musicale, quels sont tes meilleurs souvenirs ?

 

Ksan-K : « Les bons souvenirs j'en ai beaucoup et celui qui me vient à l'idée-là maintenant, c'est celui d’une tournée avec le staff complet du groupe rap kill Point et notre staff à nous pour 2 shows a Labé puis à Timbi Madina. D'habitude, quand on est invité dans une localité, on arrive on se pose à l'hôtel puis on attend jusqu’au moment du concert, on débarque au coin, on casse la baraque et on rentre tranquille, mais cette fois tout était différent les mêmes mecs qu’on fréquentait à Conakry étaient tous là, notre Manager Ahmed Ghazy avec quelques amis français et puis de l'autre côté tu as le staff kill Point. On logeait tous dans le même hôtel, ont prenaient le repas au même moment, on se vannait à table et rigolais tous, l'ambiance était très détendu, on discutait de tout et de rien dans la convivialité. »

 

« Puis y avait aussi cette petite balade que nous avons eu à faire à Timbi pour visiter un peu la ville qui s'est terminé par la découverte d’un marigot qui nous avais tous donner l'envie de plonger dans l'eau et de profiter pleinement de cet instant de baignade, et surtout de cette belle nature que nous offrait cette belle localité de Timbi Madina. Pour moi, c'était quelque chose de fort vu la tension que pouvait y avoir parfois entre les groupes à l'époque. Je dois préciser qu’à l'époque nous n'avions pas d'album sur le marché, mais nous étions efficacement présents sur la scène Hip-Hop guinéenne, et souvent, on faisait la première partie du kill Point. Je leur rends d'ailleurs ici un méga hommage pour le coup de pouce et tous les efforts consentis pour le développement du mouvement ‘Hip Hop guinéen’ à travers la structure Rap Koulê. »

 

Gnakrylive : on vous remercie de nous avoir accordé de votre précieux temps, pour répondre à ces quelques questions !

 

Ksan-K : « Je vous remercie également et ce fut un plaisir. »

 

Youssef Haidara

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